Imagine, une tête
en forme de flaque
à perte de vue.
un enfant la traverse en courant
il éclabousse, il rit
365 enfants
jouent à cache-cache
dans les ruines de babylone
la tete n’en finit pas
d’étendre son désert
1 enfant, plus petit
que les autres
petit comme un poisson vivant
dans l’eau de la flaque,
plante le drapeau pirate
à la cime du
charnier qu’avec 365 000
morts fabriqua papa,
365 siècles
à casser des cailloux
à se les casser
sur la tête
heureusement
la tête
est dure
la flaque
plus profonde que le fleuve
et la migraine est politique.
On a tout fait. Tout fait pour
enfoncer l’homme (ou son père)
& la langue, & l’enfant
365 pieds sous terre
on ne pouvait
pas deviner
que l’engrais & les gaz mortels
sortaient de la même usine
de cette usine
où travaillaient nos pères, où
travailleront,
travaillent déjà nos enfants,
Il ne faut pas désespérer, dit
la Dame, mais
respirer contre la terre
il fera beau demain, non,
l’année prochaine,
il sera toujours
temps d’y penser, à la faveur
d’une éclaircie, d’un trou
d’obus dans le plafond
de l’usine à dératiser le coeur,
Il sera toujours temps,
à l’heure de la
pause cigarette, ou
de la récréation,
d’imaginer
l’inimaginable
de tracer le contour
des ombres sur le mur
et de compter les trous
de leur donner, à chacun,
quelque chose comme un nom
le jour où le fleuve
coulera à l’envers
il sera toujours temps
de réciter l’horreur
En accompagnant chacun
son éléphant, sa profondeur
ou sa mère au cimetière, on
croise le chemin de la petite fille
elle fait la mendiante
avec un couteau
elle raconte aux passants l’histoire
de son père qu’elle a vu
faire la guerre, et l’histoire
de sa mère qu’elle a vu
faire l’amour
avec un enfant
qui portait la robe d’un Juge :
on croit
rêver,
Imagine, la petite fille
est vêtue de rouge
comme dans un conte
fabriqué par les hommes
à moins que ce ne soit
sur un vêtement blanc le sang
de l’animal (ou de l’homme)
qu’elle a laissé sans vie sur la route,
on croit
rêver, elle est
toute nue,
nue dans la forêt fermée
d’un conte fabriqué
par un bourreau
comme dans un jardin
fleuri de schizophrénie
ses dents, ses yeux, son couteau
brillent contre le jour –
Imagine, elle
épouse un désert,
épouse le bourreau.
Nous sommes seuls
enfin seuls, mon ami, mon
amour, avec
l’écho de la profondeur
entre nous
comme un gri-gri cassé de poussière
entre nos mains,
– les enfants sont loin,
Imagine, nous sommes seuls,
nous ne sommes
plus qu’1
– ou ses morceaux
restés en travers de la route
– en travers de la route des enfants,
– en travers du chemin de
fer dont on hérite
l’entretien de père
en fils depuis 365
générations de rats
de toutes les couleurs & libres
de pisser sur les murs
dans le couloir du laboratoire –
– en travers de la
gorge de la
Dame à qui les enfants
tirent la langue depuis qu’on sait qu’elle est
la bobonne au bourreau –
La fête qu’on se donne
c’est un grand nettoyage,
un luxe politique :
on décrète un printemps
(sous peine de punition
écrite : six millions de lignes)
chacun (grands & petits)
met la main à l’ouvrage
chacun doit rapporter
des profondeurs de la forêt
une main coupée pour preuve
de participation à l’ouvrage
on travaille sans compter
on déboulonne les rails
pour les poser (en parallèle)
un peu plus loin
on renomme
le fleuve, on récrit
l’histoire de nos père & mère
on mélange, dans l’éprouvette
ou dans la flaque
le sperme des Juges et le sperme des bourreaux
: il sera toujours temps
le jour où le ciel sur la corde
sera sec
de faire des enfants avec ça
il sera toujours temps
– quand l’orage aura
interrompu la fête, chassé
les idées noires, dispersé
les rats prêts à piller les restes
de viande & de conscience laissés
à la santé de l’avenir dans les assiettes –
il sera toujours temps
de vider la mémoire, d’essayer
d’engrosser la Dame dans un coin, mais
la petite fille
ne reviendra plus : le
poisson vivant
l’a avalée,
Les enfants
sont loin – partis jouer
à l’ombre du bourreau,
nous les reverrons
au siècle prochain
dans la couveuse de la tête
vêtus de noir
comme des momies
ou de rouge
comme dans un cauchemar
intacts, éblouis
Ton enfer, dit papa,
je te le dessinerai demain :
quand tu auras mangé ta soupe.
Quand tu auras
terminé tes devoirs,
trié les vêtements
des morts, rangé le train
dans une boite, &
enterré la boite
au fond du jardin de ta mère.
Ta soupe de mémoire,
ton devoir d’épluchure.
& la dette à payer
de 36 virgule 5
générations déguenillées, rassemblées
sur la place publique, en
pleine lumière, où la petite fille
a disparu.
Il sera toujours temps, dit
le bourreau, dit
papa, de
faire l’amour un autre jour, au
siècle prochain : 365
secondes de joie foutue
dans la flaque & de dire
une dernière fois oui